« Rossini en opéra de poche : direct et bon enfant. »

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Présenter en format de poche un opéra composé pour grand orchestre et grandes voix est la gageure un peu folle entreprise par la jeune compagnie In-Sense qui propulse sur la petite scène du Théâtre Mouffetard L’Italienne à Alger, ce tourbillon musical que Rossini inventa à l’âge de 21 ans. Comme dans le monde de l’édition, « poche » est bien le mot qui convient, non seulement par les dimensions mais aussi par l’enjeu qui le nourrit : rendre l’opéra accessible à ceux qui le découvrent : des places pas chères, une familiarité du lieu, une présentation bon enfant. Et ça marche ! Le public se presse et s’amuse.

Réduction de l’orchestre à trois instrumentistes (piano, violon, violoncelle), réduction des intervenants (chanteurs et choristes) à une petite dizaine de protagonistes, le tour à jouer st pas simple s’agissant de musique et de paroles dont la virtuosité peut donner le tournis. Laurence Huc, musicologue et flûtiste et Marc Bizzini, homme de performances, pianiste soliste et prof de piano se sont attelé à la réduction musicale et signent une jolie réussite. Rossini s’en sort sain et sauf, trépidant et drôle avec Bizzini au piano, Lionel Allemand au violoncelle et surtout Ludovic Passavant au violon qui tire de son archet des coloratures virevoltantes que les jeunes chanteurs sûrement lui envient.

Quelques toiles peintes sur des éléments amovibles se déplacent, se plient, se retournent sous des jeux de lumières et tiennent lieu du décor d’un Orient de ciné kitsch. Mustafa le bey qui rêve d’Italie comme du paradis y règne en potentat de kermesse, terrifiant la brave Elvira son épouse légitime qui n’amuse plus ses nuits. Surtout depuis qu’il s’est amouraché d’Isabella, une belle naufragée italienne que ses services ont ramenée au sérail. Qu’Elvira épouse l’esclave Lindoro, bon débarras ! Mauvais calcul : Lindoro et Isabella sont amants et se reconnaissent. Alors Isabella, la toute belle et toute futée, met au point quelques tours de passe-passe qui déjoueront les plans du sultan et sauveront tout le monde dans un happy end endiablé.

Plus d’amour que d’irrévérence

Quelques coupures – forcément – et, en l’absence des surtitrages auxquels les maisons d’opéras ont habitué leur public, des dialogues en français s’intercalent entre les scènes, remplaçant partiellement quelques récitatifs d’origine. Rossini résiste très bien à ce traitement davantage fait d’amour que d’irrévérence. C’est direct et bon enfant. Serguei Safonov, comédien et metteur en scène organise joliment son petit monde dans l’espace de son petit enclos. Les voix sont pour la plupart des fruits encore verts pour se mesurer aux redoutables acrobaties rossiniennes. Ils sont trois à jouer les Frégolis des petits rôles et à former le choeur, Julien Joguet/Mustafa a la souffle court mais fanfaronne avec bonhomie, en Taddeo Philippe Scagni joue les agents double, Alba Isus, Elvira éplorée sous son voile, dispose de belles ressources. Dans le rôle titre la mezzo soprano Marie Blanc sort nettement du lot, son Isabella est une sacrée pépée, belle plante au jeu langoureux et à la voix de velours capable de grimper haut.