« Une mise en scène simple et poétique permet de suivre l’histoire tout en se régalant d’une musique virtuose et allègre servie par de bons musiciens et chanteurs. »

SNES

Mettre en scène un opéra, accessible à tout public, avec 10 chanteurs et trois musiciens, dans un petit théâtre apparait comme un défi. C’est celui que relève avec brio Sergueï Safonov à la mise en scène et Marc Bizzini à la direction musicale en nous offrant cet opéra bouffe de Rossini. Le livret est très simple. Le bey d’Alger s’ennuie avec sa femme Elvira et se met à rêver d’une belle Italienne. Justement un naufrage lui en offre une, qui arrive au pied de son palais avec ses compagnons d’infortune. Le bey aussitôt se met à soupirer à ses pieds, mais la belle a plus d’un tour dans son sac et le mènera par le bout du nez pour parvenir à ses fins, retrouver la liberté et faire triompher l’amour.

On oublie trop souvent que l’opéra est aussi du théâtre. Le metteur en scène, ici, ne l’a pas oublié : pas de surtitrages mais quelques récitatifs en Français permettent de comprendre l’action qui renvoie à un Orient de rêve où les chanteurs très proches des spectateurs peuvent faire partager leurs émotions. Les gestes sont dédramatisés, l’emphase, souvent obligatoire dans les grandes salles, disparaît et l’on est sous le charme de la musique virtuose, festive et sensuelle de Rossini. La scénographie, dans un espace aussi réduit devient très imaginative et insiste sur la poésie de cet Orient rêvé : un décor où un palais devient bateau, où des objets issus du monde de l’enfance complètent avec humour cet appel à l’imaginaire.

Pour arriver à cette forme d’opéra libérée des contraintes des grosses productions, Laurence Huc a travaillé sur la réduction d’orchestre qui a permis de réduire à trois le nombre de musiciens présents sur scène : un piano, un violoncelle et un violon. Pour autant la musique respecte la virtuosité et la spontanéité de la musique de Rossini. Tous chantent en italien avec délectation pour notre plus grand plaisir. On écoute avec gourmandise ces voix qui nous disent les élans de l’amour et du désir, les vertiges de la séduction et les rires moqueurs de la belle Italienne, qu’interprète avec intelligence et humour Marie Blanc. Julien Joguet donne au bey Moustafa un côté petit tyran capricieux qui se fait mener en bateau et Jenny Alvaro donne à Elvira les accents de l’amoureuse qui cherche désespérément les moyens de reconquérir son époux volage. On n’a pas souvent le plaisir de voir un opéra monté dans une salle où l’on est au plus près des chanteurs et des musiciens, où une mise en scène simple et poétique permet de suivre l’histoire tout en se régalant d’une musique virtuose et allègre servie par de bons musiciens et chanteurs.