« L’Italienne à Alger »

Blog Marie Ordinis

L’Opéra-Bouffe du maître italien, prétexte exotique à envolées vocales, offre une des plus jouissives partitions du répertoire.

Le Bey d’Alger –Moustapha – (la Turquie occupe alors, avant la France, cette contrée) se languit, auprès de sa femme Elvira, bonne mais ennuyeuse. Faite prisonnière par les Barbaresques, la sémillante Isabella correspond justement à ses attentes. Mais la belle Italienne, fort délurée, va lui apprendre la différence entre Chrétiennes et Musulmanes : la liberté. Berné par la rusée, le Bey va retrouver la douce soumission d’une épouse légitime avec soulagement.

Bizzini et Safonov s’emparent avec jubilation de cette oeuvre légère et enjouée. Comment s’attendre à une mise en scène de l’Opéra de Paris, du Met ou de la Scala ? Il n’y a ni l’orchestre à cent têtes, ni les cuivres, mais le piano et les cordes d’interprètes brillants. Quant aux chanteurs, ils chantent juste et bien, même si cette version ne figurera pas dans les bacs à…lauréats.

Imaginez le cahotement du Carrosse d’or. A l’intérieur, les saltimbanques approchent de Mouffetard. La couturière a réparé la robe, déchirée en Champagne. Le ténor rugit, se gargarise, vocalise et passe la tête à la portière.

Voici tout le charme de ce spectacle : une troupe s’empare de la scène. Les artistes donnent et se donnent. Et le charme opère.

Qui chante le mieux ? Alba Isus, suivante. Mais Marie Blanc (Isabella) à la voix chaude et profonde, évoque autant Garance que Liza Minnelli, et bouge avec grâce.

Les hommes offrent quelques belles notes, avec un peu moins de constance. On distinguerait presque la malle à vêtements d’osier, derrière le rideau rouge. Les costumes de Thierry Grapotte évoquent l’enfance, les trouvailles au grenier. Et c’est enfant qu’il faut se retrouver pour jouir de ce spectacle.

Comme pour l’opérette, Bizzini et Safonov ont introduit les intermèdes en français, ce qui aide à la compréhension de l’action. Bonne idée. Et les décors « gondolesques » rappellent les temps anciens du Mogador ou du Châtelet, belle fantaisie.

Sur ces tréteaux, l’amour et le don soufflent et chantent et osent, en prime, nous divertir. Comment ne pas être heureux ?